Les parcs d'attraction : une expression artistique ?

Toto662

Membre
2 Avril 2014
2 510
753
29
Angers
Bonjour à tous !

Je me suis permis d'ouvrir ce topic suite à une digression qui a été faite à partir d'un article de Mathis sur un autre sujet (pour éviter d'y prendre trop de place).
La grande question concerne les parcs d'attraction dans leur ensemble, mais on peut zoomer sur les attractions, voire les montagnes russes.
Je vous remet le contenu du débat tel qu'il a été commencé sur l'autre topic :

Je ne peux pas m'empêcher de vous faire part de mes interrogations (qui ne datent pas d'aujourd'hui), même si ça n'a pas trop sa place ici... Peut-on considérer comme un art le parc dans son ensemble, malgré une relative absence de vision artistique (et d'ailleurs : où est l'artiste ?) et son rapport étroit à la consommation la plus outrancière ? Et si la réponse est non, peut-on considérer l'attraction en elle-même- indépendamment de la boutique qui lui fait office de sortie - comme "art" ? Auquel cas : art ou artisanat ? Le créateur d'une attraction est-il l'artiste qui "brise la mer gelée qui est en nous" (je me permets d'élargir à tous les arts cette citation de Kafka sur les livres), ou l'artisan travaillant le plus consciencieusement (et admirablement) possible au divertissement de son public ? Sachant que - pour complexifier le tout - l'un n'empêche pas l'autre... mais l'un n'entraîne pas systématiquement l'autre ! (le divertissement n'est pas par essence un art, et l'art n'est pas par essence du divertissement). Pour finir, j'aime garder à l'esprit que si une création est une œuvre d'art, une autre du même média ne l'est pas nécessairement (on peut se poser la question pour Avengers et L'homme à la caméra, par exemple), et qu'on pourrait donc considérer qu'une attraction est d'ambition artistique quant une autre ne l'est pas (Taron et une pomme Pinfari, par exemple).
Bref, je trouve ce questionnement délicieusement complexe.

KingRCT3 a dit:
La question de l'art est une question très intéressante et qui mériterait un long débat, mais je rebondis juste sur ce point :

Sache donc que la pomme Pinfari a été créée par Armando Tamagnini, un illustrateur, directeur artistique et designer italien né en 1940.

Brucomela-B.jpg


(Plus d'infos sur l'origine de la Pomme)


Ce à quoi je réponds :

Donc ça part bien d'une "oeuvre" d'un artiste, au sens large. Après je pense que l'art se perd dès lors que l'attraction est manufacturée en série et donc que l'intention initiale se perd un peu...

Ensuite il ne faut pas oublier que l'art n'est pas forcément visuel ou "beau". Même une attraction moche à la Foire du Trône pourrait être considérée comme telle. Je m'explique : Selon l'une de ses innombrables définitions, "l'art regroupe les œuvres humaines destinées à toucher les sens et les émotions du public". Et très franchement, il est rare d'avoir un panel d'émotion aussi vaste que face à une attraction à sensation ! La peur, la préhension, la panique, la pression de groupe, le regret, l’excitation, l’exhalation, la libération, la fierté, l'euphorie collective... La notion même de vivre, d'avoir survécu à quelque chose. C'est très viscéral.

Pour ce qui est du design la Pomme, il s'agit d'une commande pour un objet qui - au final - n'a rien d'une oeuvre artistique à mon sens. Ce serait comme considérer le logo de Chupa Chups - aussi joli soit-il (tout comme le design de nos Pommes bien aimées) - comme artistique parce qu'il a été réalisé par Dali...

Pour ce qui est du "visuel", je te rejoins évidemment ! D'ailleurs quand je citais Taron ce n'était pas seulement pour sa théma, mais aussi et surtout pour la manière dont il transfigure cela avec les sensations proposées par son parcours...
Pour ce qui est du lien entre l'art et le "beau", tout dépend de la définition accordée à ce terme très vaste... Baudelaire a prouvé par exemple que le Beau pouvait exprimer la laideur !

Là ce n'est que mon humble avis, mais je ne pense pas qu'on puisse arrêter la définition de l'art aux émotions (c'est pour ça que je me suis permis de citer Kafka). Je considère qu'une oeuvre d'art doit témoigner d'une vision du monde, et bousculer celle du spectateur.
Cela étant, je te rejoins sur ton zoom sur les attractions à sensations, que je me permet de restreindre encore un peu : s'il y a bien un type d'attraction qui mériterait potentiellement d'être qualifié d'artistique, ce sont bien les montagnes russes... en plus des émotions auxquelles tu fais référence, celles-ci possèdent une réelle stylistique, un réel langage qui leurs sont propres. La question que je me pose encore, c'est si un grand-huit laisse bien cette marque qu'une oeuvre d'art doit laisser à son public ? (on exceptera ici les marques rouges laissées sur nos oreilles par un mauvais Vekoma)
 
Pour moi, une montagne russe (et encore moins un parc) ne rentre pas dans la case des oeuvres d'art, dans la mesure où son but premier n'est pas l'art. Par là, j'entends que pour être qualifiée d'oeuvre d'art, il faut à mon sens que la chose en question ait été créée pour son côté artistique, pour le message caché dans ses formes, pour les émotions très personnelles qu'elle suscite. Elle peut avoir d'autre fonctions beaucoup plus terre-à-terre, mais son but premier doit être le message, l'émotion, la beauté (?), bref, le côté "artistique".

Le but premier d'une montagne russe, est de divertir, d'amuser, de faire peur, de rapporter de l'argent... Cela n'empêche pas qu'elle puisse posséder un côté artistique, mais ça ne permet pas de la qualifier d'oeuvre d'art.

Je peux faire le parallèle avec un stylo, par exemple. On sera d'accord pour dire qu'un bic à 50ct n'est pas une oeuvre d'art. En revanche, un stylo à what-mille dollars, unique au monde, incrusté de pierres précieuses, avec une forme particulière, évoquant une rivière coulant sous la douceur orangée d'une matinée de printemps, bref, sera une oeuvre d'art. Oui, il est capable d'écrire, mais ce n'est pas son but premier. Et il est peu probable que qui que ce soit aille l'utiliser pour écrire.  :roll:

Après, entre ces deux extrêmes, on trouvera toujours des jolis stylos luxueux, beaux, chers, finement travaillés mais qui seront tout de même utilisés par une certaine classe de population comme un stylo classique, parce qu'elle peut se le permettre. Est-ce que ce sont des oeuvres d'arts ? Je ne sais pas vraiment, pour le coup. J'aurais tendance à dire que non, mais où est vraiment la limite de ma théorie ?

Je n'ai pas en tête de montagne russe qui se rapprocherait suffisamment d'une telle description, pour que je puisse la qualifier d'oeuvre d'art, c'est pourquoi je pense qu'elles n'en sont pas. Après, cela n'empêche que ça pourrait exister !  :-D

 
Pour moi l'art est partout on l'ont veut bien le voir.
Les œuvres d'art à proprement parler genre tableaux ou autres j'ai jamais adhérer, même si c'est aussi de l'art. Par contre voir l'art bien plus caché qui nous entoure partout, qu'ils soient abstrait, underground, naturel, involontaire ou même porteur de message, visuel, auditif ou sensitif. L'art est tellement vaste, et pour moi arriver à partir de matériaux divers à construire de tel choses comme les attractions et roller-coasters qui font vivre des expériences émotionnelles oui, c'est du grand art, tout comme les thématisations immersives des parcs.
 
Ezekiel138 a dit:
Pour moi, une montagne russe (et encore moins un parc) ne rentre pas dans la case des oeuvres d'art, dans la mesure où son but premier n'est pas l'art. Par là, j'entends que pour être qualifiée d'oeuvre d'art, il faut à mon sens que la chose en question ait été créée pour son côté artistique, pour le message caché dans ses formes, pour les émotions très personnelles qu'elle suscite. Elle peut avoir d'autre fonctions beaucoup plus terre-à-terre, mais son but premier doit être le message, l'émotion, la beauté (?), bref, le côté "artistique".

Le but premier d'une montagne russe, est de divertir, d'amuser, de faire peur, de rapporter de l'argent... Cela n'empêche pas qu'elle puisse posséder un côté artistique, mais ça ne permet pas de la qualifier d'oeuvre d'art.

Je peux faire le parallèle avec un stylo, par exemple. On sera d'accord pour dire qu'un bic à 50ct n'est pas une oeuvre d'art. En revanche, un stylo à what-mille dollars, unique au monde, incrusté de pierres précieuses, avec une forme particulière, évoquant une rivière coulant sous la douceur orangée d'une matinée de printemps, bref, sera une oeuvre d'art. Oui, il est capable d'écrire, mais ce n'est pas son but premier. Et il est peu probable que qui que ce soit aille l'utiliser pour écrire.  :roll:

Après, entre ces deux extrêmes, on trouvera toujours des jolis stylos luxueux, beaux, chers, finement travaillés mais qui seront tout de même utilisés par une certaine classe de population comme un stylo classique, parce qu'elle peut se le permettre. Est-ce que ce sont des oeuvres d'arts ? Je ne sais pas vraiment, pour le coup. J'aurais tendance à dire que non, mais où est vraiment la limite de ma théorie ?

Je n'ai pas en tête de montagne russe qui se rapprocherait suffisamment d'une telle description, pour que je puisse la qualifier d'oeuvre d'art, c'est pourquoi je pense qu'elles n'en sont pas. Après, cela n'empêche que ça pourrait exister !  :-D

Ta réflexion me fait un peu penser à celle de Marcel Duchamps, qui a pris un exemple plus trivial encore qu'un stylo pour la démontrer :
urinoir.jpg


Un urinoir (un vrai, même pas une imitation), simplement renversé et gribouillé d'une signature, et - surtout - exposé dans un musée. Soit un objet du quotidien qui n'a rien d'artistique transformé en œuvre d'art par le simple choix de l'artiste.

La réflexion de Duchamps pourrait être (très, très grossièrement) résumée ainsi : une œuvre d'art peut être artistique lorsqu'elle est présentée comme telle.

Le problème avec cette définition, c'est qu'une œuvre échappe forcément un peu à son artiste... Quid de Ponge qui a parfois affirmé que sa poésie n'en était pas ? Doit-on forcément se ranger à son opinion ? Limiter l'interprétation d'une œuvre à ce qu'en a conscientisé l'artiste, ce serait par exemple limiter La Guerre des Mondes de Spielberg à un film sur le 11 septembre, alors qu'il est tellement plus ! Ignorer la manière dont Zola fait parfois (et contre sa volonté consciente) fi des règles de sa propre doctrine naturaliste, ce serait mettre de côté une immense réflexion sur le genre humain dans son ensemble !

La question qui me vient en fait à l'esprit avec ta remarque, c'est : un artiste peut-il s'ignorer ?

----------------------

Ce débat peut être étendu à la question du jeu vidéo. Un jeu comme le dernier Super Smash Bros ne peut pas (enfin, je ne pense pas) être assimilé à de l'art : il a deux objectifs selon ses créateurs, le divertissement et l'e-sport. Il n'est jamais venu à l'idée des joueurs d'y trouver autre chose.
Un jeu comme Super Meat Boy (par exemple) peut poser souci quant à sa définition... il est indéniable (à mon sens) que ce jeu propose une réflexion forte et cohérente sur l'aspect à la fois viscéral et ludique de la persévérance. Mais était-ce là son objectif premier ? Ou son objectif premier était-il simplement le divertissement (ce jeu est aussi très amusant) ?
Je peux même aller plus loin en reprenant Smash Bros, mais Brawl cette fois : globalement on vise le divertissement (de l'aveu de son créateur)... mais que dire de ce fameux mode de l'Emissaire subspatial, qui présente - là encore - une esthétique marquée, et une réflexion métaludique inédite dans un jeu de combat ?

-------------------------

Revenons aux montagnes-russes, et prenons Taron indépendamment du parc dans lequel il se trouve (c'est à dire indépendamment de tout le merchandising qu'il y a autour de lui). Trois questions :
- Peut-on affirmer que la création de Taron (et de la manière dont il transfigure Klugheim) n'ait été motivée que par le divertissement ? Ne peut-on pas affirmer que cette montagne russe a été créée pour (je reprends tes mots) "les émotions très personnelles qu'elle suscite" ? Son élégance chorégraphique qui relie la terre (par sa proximité au sol et les G+) et le ciel (par ses moments aériens et ses airtimes) ne peut-elle pas être vue comme un "côté artistique", un "message caché dans ses formes" ?
Peut-on vraiment résumer un tel travail, une telle cohérence et - j'ose - une telle beauté sophistiquée à un simple divertissement ?
- Peut-on affirmer que les créateurs de Taron (et Klugheim) ne considèrent pas leur œuvre comme artistique ? S'ils venaient à l'affirmer dans un entretien, est-ce que ça nous autoriserait à considérer Taron comme une oeuvre d'art ?
- Si oui, j'en reviens à ma réflexion précédente sur l’œuvre échappant à l'artiste : en tant que public, ne pouvons nous pas nous-mêmes attribuer à Taron ce statut ?
 
On pourra dire que vous avez tous raison dans vos démarches. Toto662, tu fais état d'objets, d'oeuvres d'art. Seulement, le titre du topique s'intéresse à "l'expression artistique". Alors oui, ma réponse est oui. Je vais néanmoins nuancer mon propos, je ne suis pas assez érudit pour parler d' oeuvres d'art physiques, de tableaux ou de sculptures, mais de démarche et d'expression à travers le théâtre.

Le théâtre est indéniablement un art pluridisciplinaire. Qu'il soit de rue ou en salle, si les démarches ne sont pas exactement similaires (ex: le public vient dans une salle et en devient attentif, une éponge émotionnelle; alors qu'en rue, le comédien doit requérir, happer l'attention du public qui ne venait pas principalement pour ça au départ - le public déambulait, point) , on a des acteurs et des spectateurs.
Les acteurs connaissent leur partition, à travers le texte, l'expression corporelle, le décor, la lumière, les bandes sons, les interactions, les regards, les émotions, les actions. On parle bien, d'expression artistique, puisque nous cherchons par ces moyens d'obtenir des émotions des spectateurs, une réflexion collective.
Hé bien je trouve que cette démarche est similaire à celle d'un parc de qualité (comme tu disais Toto662, on retire toute l'enveloppe consumériste à travers les boutiques et merchandising). J'apporte la première nuance ici puisqu'on ne peut pas dire que cette démarche existe dans tous les parcs (je ne suis pas sûr d'une quelconque démarche artistique à piratpark de gruissan, et je suis très bon public ... :-D). Tu prenais l'exemple de Taron et c'est un exemple qui me plait beaucoup.
Tu faisais le parallèle entre l'art et l'artisanat. Et la zone de Klugheim a demandé tellement d'attention, de connaissances poussées dans plein de domaines, qu'il y existe une alchimie parfaite. Entre le travail des architectes qui est d'une précision démente, le travail artisanal des charpentiers (et on ne parle pas de carton pâte, mais de vraies charpentes usant de techniques anciennes et en ça, c'est de l'art), le travail de l'acier et du béton sur les décors. Et si on s'intéresse à Taron lui-même, on peut s'arrêter sur plusieurs points. Le layout, c'est avant tout la vision d'une personne qui anticipe les sensations et émotions que va procurer son travail. Il veut (et va - quand il est doué) obtenir ce résultat, par plusieurs moyens, en dosant judicieusement en airtimes, en rythmant son parcours, en rasant le sol, en ayant pris en compte et les demandes du parc et les contraintes techniques. Il impose sa vision. Elle sera d'autant plus grande lorsqu'elle sera en harmonie avec ce qui l'entoure. L'immersion, la fameuse, qui demande énormément de réflexions et de travaux passionnés d'une large équipe.

Parce qu'autant, dans le théâtre et sa démarche, il y a ce rapport entre les acteurs et les spectateurs, autant ici, nous sommes les deux, acteur et spectateur. On a tous entendu des interviews de directeurs ou responsables de parcs dire "travailler sur ce rapport constant entre spectateur et acteur, à travers l'immersion et l'expérience globale". Nous déambulons dans le décor, nous interagissons avec lui, nous sommes face à des machines qui - comme le disait Arthur - amènent par moment la joie et l'hystérie collective, la peur, etc. Et nous sommes dans la possibilité d'en faire ce que nous voulons, nous pouvons aller à tel ou tel endroit, s'imprégner d'une atmosphère, de spectacles, aller vers le calme, aller vers l'hystérie.

Un tout autre exemple est L'Extraordinaire Voyage au Futuroscope. Cette attraction est le fruit d'une collaboration réussie entre le côté artistique et technique. Je l'ai fait 4 fois, 4 fois les gens applaudissent. Ce n'est pas un fantasme, ce sont 80 personnes qui applaudissent (j'ai trouvé ça hallucinant). Alors pourquoi, pourquoi cette alchimie fonctionne? C'est là que nous, passionnés que nous sommes, pouvons répondre, puisqu'on s'intéresse à ces machines à divertissement de près. Techniquement, c'est un sans faute, avec les VPN de chez Christie, la structure mécanique (qui m'impressionnera toujours par sa fluidité, pas un pet de vibration), par ses images et surtout par sa bande son qui cherche avant tout à puiser dans l'émotif. Il y a cette phrase de l'ancien directeur du parc Dominique Hummel qui disait "c'est de la sensation intelligente, c-à-d le corps qui vit une expérience, et pas simplement la tête, quelque chose qui produit du sens". Ils ont cherché à travers plusieurs disciplines artistiques à faire appel à nos sens, par moment en les trompant (la machinerie de "vol" liées aux mouvements de caméras). C'est par essence une démarche artistique et c'est encore plus satisfaisant lorsque c'est bien réalisé, quand on ne voit pas les "trucs", les coulisses.

Un autre paramètre à prendre en compte dans la relation acteur spectateur, c'est que chaque public est différent. En théâtre, on pourra se trouver devant un public très attentif (et les moments où on attend une réaction de leur part n'arrivent pas) ou très réceptif. Et selon, les acteurs pourront modifier le tir. Ici, le parc installe décors et attractions qui sont figées. Pour interpeller le plus de monde, il faut aller à des émotions et sensations universelles: le goût de l'aventure, la nouveauté, la surprise de groupe, le partage... Et là, on demandera à des gens qui ont des connaissances de prendre en charge ces projets à plusieurs millions de dollars puisqu'il n'y a pas ou peu le droit à l'erreur. Cette démarche-ci, de demander à des pointures un travail qui va chercher à générer émotions et sensations du public, c'est encore une démarche artistique.

En clair, c'est effectivement un lieu où nous voyons l'expression de plusieurs artistes, qu'ils se considèrent comme tel ou non, puisqu'ils chercheront à générer des émotions et des sensations par moment universelles, par moment complexes, en allant cueillir le public et en l'emmenant à différents endroits, en le dépaysant, en lui offrant des états qu'il ne trouve pas dans son quotidien.
 
Toto662 a dit:
La réflexion de Duchamps pourrait être (très, très grossièrement) résumée ainsi : une œuvre d'art peut être artistique lorsqu'elle est présentée comme telle.

Oui, ça résume à peu près la façon dont je vois les choses. J'accorde beaucoup d'importance à l'intention. A mon sens, une oeuvre d'art au sens strict du terme est caractérisée par un auteur et une volonté. C'est évidemment très réducteur, désolé pour les étudiants en Art, mais je grossis le trait. Et par conséquent, je ne pense pas qu'un artiste puisse s'ignorer... car sinon ce n'en est pas un.  :?
Si quelqu'un en voiture dans la rue érafle un muret sans faire attention, je ne peux pas imaginer que la gravure laissée dans le mur puisse être considéré comme une oeuvre d'art en soi, aussi belle soit-elle. Si quelqu'un se l'approprie en lui donnant un sens (quel qu'il soit !), pour moi c'est lui l'auteur de ce qui sera alors devenu une oeuvre d'art.

Autre exemple, les chutes du Niagara sont majestueuses, impressionnantes, remettent en question notre rapport au temps, peuvent même émouvoir d'une certaine manière (on peut continuer comme ça longtemps), mais je ne les considère pas comme une oeuvre d'art. Pourtant elles peuvent faire le même effet qu'une oeuvre d'art. Taron peut être vu de la même manière, c'est en tout cas la manière dont je le vois.


C'est vrai que je ne connais pas en détail la volonté du ou des concepteurs à l'origine de Klugheim, et il y avait peut être une vraie intention de concevoir quelque chose qui réponde en tout point à ma définition d'une oeuvre d'art. Mais la zone n'est pas présentée comme telle, cela reste pour 99% (100% ?) des gens un quartier magnifiquement décoré, à l'immersion exemplaire, avec deux excellents coasters. Mais pas une oeuvre d'art.
Evidemment, si on veut faire un parallèle et aller plus loin, on pourrait se demander par exemple si dans un musée (ou n'importe où ailleurs, en fait), si un artiste accroche intentionnellement un extincteur sur un mur, sans que personne ne sache et ne se rende compte à aucun moment qu'il s'agit d'un faux, est-ce encore une oeuvre d'art... ?  :lol:

Toto662 a dit:
Le problème avec cette définition, c'est qu'une œuvre échappe forcément un peu à son artiste...

Oui, mais même si on en change le sens, le fond, ou si on lui prête un sens qu'elle n'avait pas initialement, cela reste toujours une oeuvre d'art en soi.

Pour finir, je fais bien la distinction entre oeuvre d'art d'un côté, et dimension artistique de l'autre. Si je ne considère pas Taron comme une oeuvre d'art, je considère néanmoins que c'est une chose qui possède une forte dimension artistique.


@T-scan : Le lien que tu tisses entre le théâtre et le Futuroscope est peut être le meilleur exemple de quelque chose qui est fait pour le divertissement, mais que je pourrais quand même qualifier d'oeuvre d'art. D'autant plus que (arrêtez moi si je dis une connerie) le théâtre est à l'origine un divertissement, précisément au même titre qu'une salle du Futuroscope. Mais j'ai du mal à appliquer le même raisonnement avec un coaster.  :?



 
Vous êtes des fous, haha, ce débat est passionnant. :-)

Je voulais juste passer pour dire que l'architecture est également un art, et le premier d'ailleurs (le cinéma étant le septième, la BD le neuvième).
 
T-scan a dit:
On pourra dire que vous avez tous raison dans vos démarches.

T-scan a dit:
On pourra dire que vous avez tous raison dans vos démarches.

:mrgreen:

Je pense qu'il faut que ça soit l'intérêt de ce topic (et ça devrait être l'intérêt de tout débat en fait), essayer d'assembler tout ce qui est pertinent dans l'argumentation de chacun pour accéder à une vérité qui échappe à l'individu et ne peut être accessible que par le collectif. D'ailleurs je n'ai pas vraiment d'avis définitif sur la question, je dois avouer que c'est aussi un peu pour essayer d'y voir plus clair que j'ai créé ce topic :lol:


J'aime bien ton rapprochement entre le théâtre et le monde des parcs d'attraction. Ça remet en perspective la question de l'artiste (au singulier) puisque le théâtre (mais aussi le cinéma, le jeu vidéo, etc...) n'exprime pas la voix d'un seul artiste, mais de plusieurs (l'auteur, le metteur en scène, les acteurs, voire les décorateurs et costumiers, etc), même s'il y a quand même une relation de subordination qui fait que l'acteur fait généralement en sorte que sa sensibilité exprime celle du metteur en scène (lequel se subordonne - parfois - à l'auteur), de la même manière qu'au cinéma l'acteur exprime la vision d'un réalisateur et suit d'ailleurs ses directives.
Je pense aussi que l'aspect "acteur et spectateur" est ce qui fait l'originalité de l'expérience proposée par un parc (je pense notamment à Talocan, ou la notion de "spectacle" est particulièrement présente, et qui joue également avec le double rôle du participant).

Là ou mon avis diffère du tien, c'est lorsqu'on en arrive à la technique. A mon sens, l'artiste créé une vision du monde à l'aide d'une technique (et encore... où est la technique quand on regarde la Fontaine de M. Duchamp ?), mais la seule présence de cette technique ne suffit pas à qualifier un objet (ou une performance) comme étant artistique. Cela relève de l'art de l'artisan : l'artisanat.



-------------------


Ezekiel138 a dit:
Oui, ça résume à peu près la façon dont je vois les choses. J'accorde beaucoup d'importance à l'intention. A mon sens, une oeuvre d'art au sens strict du terme est caractérisée par un auteur et une volonté. C'est évidemment très réducteur, désolé pour les étudiants en Art, mais je grossis le trait. Et par conséquent, je ne pense pas qu'un artiste puisse s'ignorer... car sinon ce n'en est pas un.  :?
Si quelqu'un en voiture dans la rue érafle un muret sans faire attention, je ne peux pas imaginer que la gravure laissée dans le mur puisse être considéré comme une oeuvre d'art en soi, aussi belle soit-elle. Si quelqu'un se l'approprie en lui donnant un sens (quel qu'il soit !), pour moi c'est lui l'auteur de ce qui sera alors devenu une oeuvre d'art.

Bel exemple, qui m'a donné du fil à retordre ! Je pense que ce qui fait la différence entre Taron et ce muret, c'est la démarche. Je pense qu'on est d'accord là dessus : ce n'est pas en soi le produit que nous qualifions d'artistique, mais la démarche qui a mené à la création de ce produit (c'est ce qui fait que la Fontaine de Duchamp est une œuvre d'art, mais ce muret gravé non).
On ne peut pas qualifier cette gravure d'artistique tout simplement parce qu'il n'y a pas de démarche consciente.
Si Sakurai ne se qualifie pas d'artiste, il y a quand même une démarche sophistiquée, cohérente et riche de sens dans son Emissaire subspatial. C'est ce qui pousse le joueur à potentiellement le considérer comme œuvre d'art. Cependant je ne crois pas que Sakurai ait dit qu'il y avait une intention artistique dans cette démarche.

C'est aussi pour ça que les chutes du Niagara ne peuvent être comparées à Taron : il n'y a pas de démarche humaine, ici, puisque ce n'est qu'un (magnifique) phénomène naturel ! Il est courant que la nature produise des émotions dans nos petits cœurs d'êtres humains, évidemment ce n'est pas de l'art... mais lorsque l'homme essaie de reproduire ces émotions, là il y a démarche artistique (et ce ne sont donc pas les chutes du Niagara qui provoquent les mêmes émotions que les œuvres d'art, mais l'inverse !).

Ezekiel138 a dit:
C'est vrai que je ne connais pas en détail la volonté du ou des concepteurs à l'origine de Klugheim, et il y avait peut être une vraie intention de concevoir quelque chose qui réponde en tout point à ma définition d'une oeuvre d'art. Mais la zone n'est pas présentée comme telle, cela reste pour 99% (100% ?) des gens un quartier magnifiquement décoré, à l'immersion exemplaire, avec deux excellents coasters. Mais pas une oeuvre d'art.
Evidemment, si on veut faire un parallèle et aller plus loin, on pourrait se demander par exemple si dans un musée (ou n'importe où ailleurs, en fait), si un artiste accroche intentionnellement un extincteur sur un mur, sans que personne ne sache et ne se rende compte à aucun moment qu'il s'agit d'un faux, est-ce encore une oeuvre d'art... ?  :lol:

Là encore, bel exemple ! Je suppose que l'art n'est pas une pratique solitaire, et qu'il nécessite forcément un partage entre un ou plusieurs créateurs et un public (plus ou moins restreint). Cet artiste égoïste aurait tort de garder secrète sa démarche jusqu'à sa mort... mais s'il venait à révéler la supercherie un jour (plusieurs années après ? Peut être même après sa mort !), je n'hésiterais pas à considérer cela comme de l'art. Mais l’œuvre ne serait pas seulement l'extincteur : ce serait aussi le silence de l'artiste (et ce serait donc une performance).


Ezekiel138 a dit:
Oui, mais même si on en change le sens, le fond, ou si on lui prête un sens qu'elle n'avait pas initialement, cela reste toujours une oeuvre d'art en soi.

Mais dans ce cas, qu'est-ce qu'on fait de notre Emissaire subspatial ?

Ezekiel138 a dit:
Pour finir, je fais bien la distinction entre oeuvre d'art d'un côté, et dimension artistique de l'autre. Si je ne considère pas Taron comme une oeuvre d'art, je considère néanmoins que c'est une chose qui possède une forte dimension artistique.

Qu'est-ce que tu entends exactement par cette distinction ?



Ezekiel138 a dit:
@T-scan : Le lien que tu tisses entre le théâtre et le Futuroscope est peut être le meilleur exemple de quelque chose qui est fait pour le divertissement, mais que je pourrais quand même qualifier d'oeuvre d'art. D'autant plus que (arrêtez moi si je dis une connerie) le théâtre est à l'origine un divertissement, précisément au même titre qu'une salle du Futuroscope. Mais j'ai du mal à appliquer le même raisonnement avec un coaster.  :?

Non tu ne dis pas de connerie, le théâtre - comme beaucoup d'autres arts - est à l'origine un divertissement :mrgreen:


KingRCT3 a dit:
Vous êtes des fous, haha, ce débat est passionnant. :-)

Je trouve aussi ! C'est agréable de faire le lien entre cette passion et les arts :-)

KingRCT3 a dit:
Je voulais juste passer pour dire que l'architecture est également un art, et le premier d'ailleurs (le cinéma étant le septième, la BD le neuvième).

Aaaaaah c'est juste, les bâtiments... ce sont aussi des exemples qui n'ont pas comme fonction première l'expression artistique, et qui pourtant sont traditionnellement reliées à celle-ci.
 
Toto662 a dit:
Je suppose que l'art n'est pas une pratique solitaire, et qu'il nécessite forcément un partage entre un ou plusieurs créateurs et un public (plus ou moins restreint). Cet artiste égoïste aurait tort de garder secrète sa démarche jusqu'à sa mort... mais s'il venait à révéler la supercherie un jour (plusieurs années après ? Peut être même après sa mort !), je n'hésiterais pas à considérer cela comme de l'art. Mais l’œuvre ne serait pas seulement l'extincteur : ce serait aussi le silence de l'artiste (et ce serait donc une performance).

Je suis entièrement d'accord. Le regard, ou plutôt la connaissance d'au moins un spectateur à un moment donné ou à un autre, est essentiel pour qualifier quelque chose d'oeuvre d'art. Et pour qu'il y ait connaissance, il faut qu'il y ait l'intention d'un auteur de présenter cette chose en tant qu'oeuvre d'art. D'où ma conclusion que si Taron n'est pas présenté comme une oeuvre d'art par ses auteurs, d'une manière ou d'une autre, à un certain public, alors il n'est pas une oeuvre d'art.



Toto662 a dit:
Qu'est-ce que tu entends exactement par cette distinction ? (entre oeuvre d'art et dimension artistique)

Pour moi, une oeuvre d'art représente un certain "statut". Qualifier quelque chose d'oeuvre d'art n'est pas facile (sinon on en serait pas là :fou: ), et il est rare que l'on parle d'oeuvre d'art dans la vie de tous les jours. Si je te demande quelle est la dernière oeuvre d'art que tu as vue, ça m'étonnerait que tu me parles d'un bâtiment, d'un pont, d'un graffiti sur un mur, ou d'un jardin bien entretenu. Pourtant, ces exemples comportent bel et bien une forte dimension artistique, avec un auteur, une intention, une vision, voire un message. N'importe qui le reconnaîtrait. C'est évident qu'il y a une forme d'art. Mais on ne s'y réfère pas comme à des oeuvres d'art, parce que de prime abord, ce n'est pas leur destination première. (pourtant il est possible que ça en soit !)

C'est exactement la même chose pour les coasters, qui ont évidemment une dimension artistique très prononcée, que ce soit au niveau des décors, de la construction du layout ou autre, mais qui ne sont pas, à mes yeux, des oeuvres d'art.
C'est pourquoi je fais la distinction entre oeuvre d'art et dimension artistique.


Tu parlais des bâtiments en particulier, et je l'ai cité en exemple plus haut car c'est vraiment le même cas de figure que les montagnes russes, je trouve.
Un bâtiment est fonctionnel à la base, et on ne le reconnaîtra pas comme une oeuvre d'art, à moins qu'il ne comporte un certains nombre de fioritures, décorations, éléments atypiques etc... Pourtant, la grande majorité des bâtiments est unique, sur mesure, créé par quelqu'un avec une intention bien particulière, avec énormément d'éléments "superflus", relevant uniquement de l'esthétique. Sinon on vivrait tous dans des cubes !  :oops:
C'est la même chose pour les coasters. Il faut une tonne de décors, de fioritures dans tous les sens (Klugheim, quoi ! <3) pour que l'on commence à parler d'art. Pourtant, la grande majorité des coasters, même chez 6Flags ( :evil: ), sont bien plus qu'un tas de tubes en acier avec un train dessus. Mais si on ne nous met pas sous le nez des tonnes de décors, le côté artistique d'un coaster est presque oublié.




 
Ezekiel138 a dit:
Je suis entièrement d'accord. Le regard, ou plutôt la connaissance d'au moins un spectateur à un moment donné ou à un autre, est essentiel pour qualifier quelque chose d'oeuvre d'art. Et pour qu'il y ait connaissance, il faut qu'il y ait l'intention d'un auteur de présenter cette chose en tant qu'oeuvre d'art. D'où ma conclusion que si Taron n'est pas présenté comme une oeuvre d'art par ses auteurs, d'une manière ou d'une autre, à un certain public, alors il n'est pas une oeuvre d'art.

Je comprends ton raisonnement, mais je dois t'avouer qu'il reste encore une zone d'ombre pour que tu me convainques totalement : je ne suis pas aussi certain que toi qu'il soit absolument nécessaire qu'il y ait une intention artistique pour définir un objet comme œuvre... j'ai toujours mon exemple d'Emissaire subspatial en tête, qui m'enquiquine :lol:

Ezekiel138 a dit:
Pour moi, une oeuvre d'art représente un certain "statut". Qualifier quelque chose d'oeuvre d'art n'est pas facile (sinon on en serait pas là :fou: ), et il est rare que l'on parle d'oeuvre d'art dans la vie de tous les jours. Si je te demande quelle est la dernière oeuvre d'art que tu as vue, ça m'étonnerait que tu me parles d'un bâtiment, d'un pont, d'un graffiti sur un mur, ou d'un jardin bien entretenu. Pourtant, ces exemples comportent bel et bien une forte dimension artistique, avec un auteur, une intention, une vision, voire un message. N'importe qui le reconnaîtrait. C'est évident qu'il y a une forme d'art. Mais on ne s'y réfère pas comme à des oeuvres d'art, parce que de prime abord, ce n'est pas leur destination première. (pourtant il est possible que ça en soit !)

C'est exactement la même chose pour les coasters, qui ont évidemment une dimension artistique très prononcée, que ce soit au niveau des décors, de la construction du layout ou autre, mais qui ne sont pas, à mes yeux, des oeuvres d'art.
C'est pourquoi je fais la distinction entre oeuvre d'art et dimension artistique.

Je suis d'accord concernant l'idée de "statut" (dire que quelque chose est une "œuvre d'art" relève autant du jugement de valeur que de la description). Pour ce qui est du bâtiment, c'est assez étonnant car l'architecture est généralement un art communément accepté en tant que tel, et pourtant j'ai comme toi quelques réticences, dues aux mêmes arguments que tu énonces.
En fait, je dois avouer que là je m'y retrouve bien, même si j’éprouve encore quelques hésitations (mais ça peut changer) à considérer l'architecture comme n'étant pas pleinement un art. D'ailleurs, il n'est 1er dans la classification d'Hegel (avec 5 arts) que parce que justement il est l'art le plus matériel et le moins expressif, mais ça n'empêche pas Hegel de le considérer comme un art malgré son aspect utilitaire de prime abord. Il me faudra encore un peu de réflexion pour trancher, je suppose... mais les arguments que tu m'as donné devraient déjà m'aider pas mal.

Ezekiel138 a dit:
C'est la même chose pour les coasters. Il faut une tonne de décors, de fioritures dans tous les sens (Klugheim, quoi ! <3) pour que l'on commence à parler d'art. Pourtant, la grande majorité des coasters, même chez 6Flags ( :evil: ), sont bien plus qu'un tas de tubes en acier avec un train dessus. Mais si on ne nous met pas sous le nez des tonnes de décors, le côté artistique d'un coaster est presque oublié.

Là par contre je ne suis plus d'accord, et c'est d'ailleurs bien cet élément là qui pourrait me faire envisager (je parle toujours au conditionnel hein) les montagnes russes comme des œuvres d'art : je n'ai pas pris l'exemple de Taron pour Klugheim et la théma, mais bien pour la manière dont il interagissait avec cette zone, utilisant tout un panel d'éléments qui provoquent différentes sensations chez le passager (une stylistique, quoi).
Je peux prendre un exemple plus brut de décoffrage en mettant El Toro sur le même plan que Taron. Ce qui fait la spécificité, le génie et peut être l'art de ces deux montagnes russes, ce ne sont pas les fioritures et les décors, c'est bel et bien ce que peuvent exprimer (en terme de sensations mais pas seulement : j'y viens un peu plus tard) ces deux parcours. S'il faut considérer les montagnes russes comme un art (bon je parle ici de Taron, El Toro ou encore Katun, pas de pomme pinfari ou de Bommerang Vekoma), c'est bien pour ce langage qui leur est propre, et qui utilise la force centrifuge et le rapport au décor (au sens large du terme, pas seulement thématisé) pour provoquer de l'émotion, de la même manière que la photographie utilise la lumière aux mêmes fins.
Revenons à El Toro pour clarifier : cette montagne russe, c’est l’histoire du wooden réécrite par l’explosion contrastée des forces, de l’out-and-back au twister, de l’euphorie de l’airtime à la sauvagerie du changement de direction en passant par l’engouffrement dans les structures. Le réel coup d’éclat de Stengel ici (toujours selon la manière dont j'ai vécu le truc, un ride c'est toujours subjectif) c'est d'avoir fait de la rigueur théorique de son parcours la condition de l’outrance sensationnelle qu’il délivre (et vice-versa), transcendant toute opposition entre mesure (simplicité des éléments utilisés) et démesure (les forces déployées).
Et ce, juste avec un parcours de montagne russe. La théma mexicaine n'apporte pas grand chose (sinon rien du tout) à cela, car si artiste il y a, c'est ici Stengel et pas le gérant de projet qui a décidé de cette théma...

A l'inverse, je pense être plus réticent à considérer un Big Thunder Mountain comme une œuvre d'art, dans la mesure ou le parcours est très anecdotique malgré l'abondance de décors (c'est presque plus un dark ride en extérieur qu'autre chose).
 
Toto662 a dit:
A l'inverse, je pense être plus réticent à considérer un Big Thunder Mountain comme une œuvre d'art, dans la mesure ou le parcours est très anecdotique malgré l'abondance de décors (c'est presque plus un dark ride en extérieur qu'autre chose).

C'est bien que tu en parles. Le parcours de BTM est en apparence bien plus simple. Cependant il n'a pas l'intention de fonctionner seul, mais comme un tout.

Et je suis désolé, mais que je vois ça :

BTM-Reopen.jpg


J'ai dû mal à dire qu'il n'y a que peu de notions artistiques là-dessus (la définition d'une "oeuvre" reste floue, mais je pourrais aisément considérer BTM comme telle).

Ce qui est marrant c'est que si la photo ci-dessus était une peinture, ça serait indéniablement une oeuvre d'art. Mais le fait qu'elle soit réelle, moins...? Pourtant il y a les mêmes intentions de ressenti, les mêmes techniques (couleurs, compositions, palettes, plans), etc.
 
Vous donnez du fil à retordre les garçons j'ai dû relire à plusieurs reprises pour être sûr !  :-P

Ezekiel138 a dit:
C'est la même chose pour les coasters. Il faut une tonne de décors, de fioritures dans tous les sens (Klugheim, quoi ! <3) pour que l'on commence à parler d'art. Pourtant, la grande majorité des coasters, même chez 6Flags ( :evil: ), sont bien plus qu'un tas de tubes en acier avec un train dessus. Mais si on ne nous met pas sous le nez des tonnes de décors, le côté artistique d'un coaster est presque oublié.

Hé bien nan, pas tout à fait.

moonsault_scramble_3_109_294.jpg

source TPR

8eb2b6a9870b8847edc3937a578a1187.png

source pinterest

rrq6rbdj42i11.jpg

source reddit​

Trois exemples de montagnes russes sans fioritures, sans abondance de décors. Pourtant, il n'y a que des "tubes d'aciers et un train dessus".  Il y a un souci de l'esthétique, une volonté de marquer les esprits, de ne pas aller à la facilité dans les structures. Je pense que, par leur démarche initiale, on peut tous s'accorder à dire que ce sont des expressions artistiques majeures dans leurs domaines.

Alors pourquoi ça ne nous apparait pas flagrant, nous qui sommes habitués à voir quotidiennement des images des montagnes russes dans le monde ? Si vous me permettez un petit écart...
Nous nous émouvons d'une peinture, d'un texte. Or, ces expressions n'étaient, à la base, qu'un simple moyen de communiquer entre les Hommes. Communiquer, écrire, pour comprendre dans un premier temps, puis pour évoquer des choses, provoquer des émotions à travers dessins, peintures, écrits. Maintenant, un parallèle, peut-être osé: qu'étaient les montagnes russes, ou les luges, si ce n'est qu'un moyen de transport? Il a évolué au fil des décennies, été détourné de sa fonction première, mais il existe intrinsèquement dans le but de provoquer des sensations; autrement, ça ne reste qu'une simple voie ferrée sans dénivelé. Si la peinture ou la littérature sont des arts, je ne vois pas ce qui autoriserait tout observateur à dire des montagnes russes qu'elles ne sont pas des oeuvres d'art .

@Toto662 , tu insistais sur ce côté technique qui te paraissait lointain. J'ai même eu l'impression que ça biaisait le débat en renforçant l'antagonisme entre technique et art. Alors je n'irai pas sur le terrain de "tout ce que fait l'Homme est Art" puisque le débat s'arrêterait à la formidable réponse de @TheCoasterfan ; si nous estimons que l'art doit provoquer une réflexion, un éveil de nos sens, pourquoi ne pas ranger les coasters dans cette catégorie? Notre statut de passionné fait de nous des personnes avec un bagage de connaissances, d'intérêts, de critiques. Nous connaissons les techniques employées, les constructeurs, et nous connaissons de plus en plus - via internet - les personnes derrière les projets: nous ne tarissons pas d'éloges à propos d'Alan Schilke parce que nous savons qu'il est à l'origine de beaucoup de créations qui mettent nos sens à rude épreuve. Et puis notre bagage fait que nous reconnaissons les inspirations, les références, les techniques usées sur d'autres coasters, pour de nouvelles créations. En ça, c'est passionnant.



Encore un point. Cyclone.

Cyclone_Roller_Coaster.jpg

source: wiki​

Un vieux wooden quasi centenaire, qui est devenu intemporel, a fait le tour du monde, s'est décliné en des modèles miniatures, maquettes, si bien que dans notre inconscient, nous avons toujours cette grande enseigne rouge, cette structure en bois blanche et les rampes rouges. Si bien que cette montagne russe a été classée en lieu historique d'intérêt national en 1991. Et ce n'est pas du ressort du temps, puisque nous avons, à une autre mesure, l'Anaconda français classé au patrimoine lorrain par la DRAC. Bon, ça a la valeur que vous lui donnez hein, mais elle est là. Sa structure, sa jeune histoire a été reconnue par des organismes culturels. Et il y a bien d'autres woodens dans le monde qui ont été reconnus, classés, protégés, inspirés, relégués au rang de chef d'oeuvre. Il n'en faut pas moins pour me dire que nous avons, dans les coasters, quelques oeuvres d'art (je n'ai pas dit que j'estimais l'Anaconda comme oeuvre d'art, les gars ! Je préfèrerai l'autoflagellation).

KingRCT3 a dit:
C'est bien que tu en parles. Le parcours de BTM est en apparence bien plus simple. Cependant il n'a pas l'intention de fonctionner seul, mais comme un tout.

Ce qui est marrant c'est que si la photo ci-dessus était une peinture, ça serait indéniablement une oeuvre d'art. Mais le fait qu'elle soit réelle, moins...? Pourtant il y a les mêmes intentions de ressenti, les mêmes techniques (couleurs, compositions, palettes, plans), etc.

Bien joué, et pourtant je n'aime pas cette attraction. Mais lorsqu'on voit les références, le travail phénoménal dans le but d'être "harmonieux, beau", les détails apportés dans l'unique intérêt de provoquer les émotions du public, puis le défi technique de construire un grand-huit sur une île (parce qu'un mec, autour d'une table fin 80' dit "le rail passera dans des tunnels sous le lac pour rejoindre l'île"), si c'n'est pas visionnaire, artistique ou couillu comme démarche, je ne sais pas quoi en penser.  :-P
 
Quand un coaster peut ressembler â ça :



C'est une œuvre d'art non  ? :ange:

En tout cas le débat est intéressant  :mrgreen:
 
TheCoasterfan a dit:

:mdr:


Toto662 a dit:
j'ai toujours mon exemple d'Emissaire subspatial en tête, qui m'enquiquine :lol:

Ca ne m'a absolument pas marqué autant que toi ! Du coup je ne comprends pas trop ton point de vue là-dessus... ^^'


Toto662 a dit:
Je peux prendre un exemple plus brut de décoffrage en mettant El Toro sur le même plan que Taron. Ce qui fait la spécificité, le génie et peut être l'art de ces deux montagnes russes, ce ne sont pas les fioritures et les décors, c'est bel et bien ce que peuvent exprimer (en terme de sensations mais pas seulement : j'y viens un peu plus tard) ces deux parcours. S'il faut considérer les montagnes russes comme un art (bon je parle ici de Taron, El Toro ou encore Katun, pas de pomme pinfari ou de Bommerang Vekoma), c'est bien pour ce langage qui leur est propre, et qui utilise la force centrifuge et le rapport au décor (au sens large du terme, pas seulement thématisé) pour provoquer de l'émotion, de la même manière que la photographie utilise la lumière aux mêmes fins.
Revenons à El Toro pour clarifier : cette montagne russe, c’est l’histoire du wooden réécrite par l’explosion contrastée des forces, de l’out-and-back au twister, de l’euphorie de l’airtime à la sauvagerie du changement de direction en passant par l’engouffrement dans les structures. Le réel coup d’éclat de Stengel ici (toujours selon la manière dont j'ai vécu le truc, un ride c'est toujours subjectif) c'est d'avoir fait de la rigueur théorique de son parcours la condition de l’outrance sensationnelle qu’il délivre (et vice-versa), transcendant toute opposition entre mesure (simplicité des éléments utilisés) et démesure (les forces déployées).
Et ce, juste avec un parcours de montagne russe. La théma mexicaine n'apporte pas grand chose (sinon rien du tout) à cela, car si artiste il y a, c'est ici Stengel et pas le gérant de projet qui a décidé de cette théma...

D'où viennent tous ces éléments sur El Toro ? C'est une interprétation personnelle, ou bien Stengel lui-même qui a réellement conçu le parcours comme ça ? Si c'est le cas, il est vrai qu'on pourrait appeler ça une oeuvre d'art... et il est dommage que ça ne soit pas plus connu. Malheureusement je ne connais pas El Toro pour pouvoir en parler.



T-scan a dit:
Hé bien nan, pas tout à fait.
moonsault_scramble_3_109_294.jpg

source TPR

8eb2b6a9870b8847edc3937a578a1187.png

source pinterest

rrq6rbdj42i11.jpg

source reddit​

Trois exemples de montagnes russes sans fioritures, sans abondance de décors. Pourtant, il n'y a que des "tubes d'aciers et un train dessus".  Il y a un souci de l'esthétique, une volonté de marquer les esprits, de ne pas aller à la facilité dans les structures. Je pense que, par leur démarche initiale, on peut tous s'accorder à dire que ce sont des expressions artistiques majeures dans leurs domaines.

Je me suis mal exprimé, et pour le coup, tes photos illustrent très bien ce que je voulais dire ! :mrgreen:
Quand je parle de "décors, fioritures" etc, je veux parler de tout ce qui sort du principe même de montagne russe. Les décors en font partie, mais il y a plein d'autres choses. A l'origine, une montagne russe c'est juste des rails en pente, avec un train dessus. Rien d'autre. C'est ce que j'ai voulu dire. J'appelle maladroitement "fioriture" tout ce qui sort de ce cadre, et tes photos l'illustrent très bien.  :-P

En particulier sur les deux premières, on remarque que ce qui donne la dimension artistique du coaster, c'est justement ce qui sort du cadre. Sur la première, la structure voutée qui soutient le batwing (?) et les deux pointes de part et d'autre sont absolument magnifiques, et apportent tout son cachet à l'élément. Enlève ça, et il n'a plus grand intérêt. Je dirais même plus : à l'inverse, enlève seulement les rails, et l'intérêt est toujours là !

Idem pour Cheetah Hunt, enlève la structure jaune qui évoque des arbres, remplace-la par des poteaux à la B&M et ça perd quasiment tout son intérêt. J'irai même plus loin, pour la partie du layout en hauteur, qui rappelle un prédateur cherchant une proie. Si tu n'avais pas le nom du coaster, les supports figurant des arbres, les couleurs, on se demanderait même qui est l'abruti qui a pondu des virages comme ça sans intérêt. Ca m'étonnerait qu'avec le seul layout, sans les couleurs, sans les supports, sans le nom du coaster, que quiconque penserait que c'est une bonne idée, et que c'est intéressant.
C'est donc exactement ce que je disais plus haut : c'est l'ajout de "fioritures", de choses extérieures à l'essence même d'une montagne russe, qui peuvent lui donner une expression artistique, voir le statut d'oeuvre d'art.


Concernant la troisième photo, là c'est plus délicat et c'est un bon exemple de ce que tu voulais dire, pour le coup. Pas de théma, pas d'architecture, pas de couleurs extravagantes, pas de nom de coaster évocateur, ça n'évoque rien de concret, il n'y a pas de message évident, c'est juste... beau. :love:

 
Ezekiel138 a dit:
C'est donc exactement ce que je disais plus haut : c'est l'ajout de "fioritures", de choses extérieures à l'essence même d'une montagne russe, qui peuvent lui donner une expression artistique, voir le statut d'oeuvre d'art.

Le mot que tu cherches est probablement "intention".  :wink:
Cheetah Hunt en est le parfait exemple, le parcours a l'intention de retranscrire la chasse d'un guépard. Big Thunder Mountain a dans son parcours l'intention de retranscrire les parcours secs des trains miniers.

Ce serait intéressant de lister ces coasters avec une véritable intention, d'ailleurs.
 
Chat a dit:
Ce serait intéressant de lister ces coasters avec une véritable intention, d'ailleurs.

En fait, la très grande majorité en ont une. Seulement, ce n'est pas forcément une intention dans le même sens qu'une oeuvre d'art. C'est juste une intention d'offrir un parcours doux, ou aérien d'abord, puis féroce ensuite. Ou bien de proposer une expérience particulière, que ce soit par des éléments uniques, ou bien des décors particuliers. Mais à mon sens, ces intentions ne sont a priori pas celle de créer une oeuvre d'art. Ca sera plutôt satisfaire un type de clientèle, compléter l'offre d'un parc, avoir une exclusivité, proposer quelque chose d'amusant, quelque chose qui fait peur...

Si on doit lister les coasters dont l'intention est manifestement d'être considéré comme une oeuvre d'art, alors il n'y aura dans cette liste que ceux dont les concepteurs ont une démarche comme celle d'El Toro, décrite précédemment par Toto. (paye ta crédibilité ^^) ...pour peu que ce soit vraiment les propos du concepteur. Parce que l'intention aurait aussi pu être :"Hé, venez, on fait un GROS coaster en bois, ça va en jeter.  8-) Mais bon, comme il va être très haut au début, on aura plus trop de sous pour la fin, donc on va la faire au ras du sol, ça coûtera moins cher.  :secret:"

Je caricature évidemment. :fou:


On est tous d'accord pour dire qu'une montagne russe, par de très nombreux aspects, est artistique. C'est indéniable ! Par contre, quand la question est de savoir si ça suffit à les qualifier d'oeuvre d'art, c'est plus délicat, et c'est tout le sujet. Quand je vois la photo de Fury postée dans la page précédente, je me dis que c'est peut être plus si impossible que ça.

 
Definir le mot art est deja super difficile.
Wikipedia dit au tout début de sa longue definition:

L’art est une activité, le produit de cette activité ou l'idée que l'on s'en fait s'adressant délibérément aux sens, aux émotions, aux intuitions et à l'intellect. On peut affirmer que l'art est le propre de l'humain ou de toute autre conscience, en tant que découlant d'une intention, et que cette activité n'a pas de fonction pratique définie. On considère le terme « art » par opposition à la nature « conçue comme puissance produisant sans réflexion », et à la science « conçue comme pure connaissance indépendante des applications »

On ne peut ensuite pas différencier l'art de l'oeuvre. On doit différencier l'art du marché de l'art.

Toute expression de l'art est une oeuvre intrinsèquement.
A mon sens, les rails de coasters sont le résultat de design technique et esthétique... une forme d'art non ?
La création de la thematisation d'un parc est faite par des designers. Juste pour essayer, dites à un designer qu'il n'est pas un artiste, juste pour voir.... Dites au mec qui imagine les trains des coasters au'll ne fait pas de l'art.
Pensez aux mecs qui rendent les coasters élégants, attirants, en plaçant les bons elements au bons endroits pour le public, pas les riders.

Moi je veux bien dire que tout ca c'est de l'art. Oui.
 
Whaaaaaaaaaat mais tout ça :mdr: vous êtes géniaux, il n'y a pas d'autres mots.
bon alors dans l'ordre :


KingRCT3 a dit:
J'ai dû mal à dire qu'il n'y a que peu de notions artistiques là-dessus (la définition d'une "oeuvre" reste floue, mais je pourrais aisément considérer BTM comme telle).

Ce qui est marrant c'est que si la photo ci-dessus était une peinture, ça serait indéniablement une oeuvre d'art. Mais le fait qu'elle soit réelle, moins...? Pourtant il y a les mêmes intentions de ressenti, les mêmes techniques (couleurs, compositions, palettes, plans), etc.

Oui (pour beaucoup) et non (un peu).

Oui : le travail scénographique effectué peut être considéré comme artistique : après tout, c'est de la sculpture ! Et un type de sculpture bien particulier puisqu'il propose une interaction avec le spectateur (n'est-ce pas génial ?). Je n'ai pas remis cela en cause (enfin, du moins ce n'était pas mon objectif, et je me rends compte que j'avais mal tourné mon affirmation), ce que je remets en cause c'est le fait que BTM en tant que montagne russe soit considéré comme une œuvre d'art.

Je me rends compte que ce débat devient délicat car il se divise en plusieurs sous-questions qui se mélangent un peu sans cadre. L'exemple de BTM, je l'utilisais en contre-exemple pour la question "un grand-huit, est-ce de l'art", mais il est évident qu'il fait office d'exemple pour répondre à la question "y-a-t-il une dimension artistique dans les parcs d'attractions ?".

Non pour ta remarque sur la peinture : ne mélangeons pas BTM - l'attraction, la sculpture, etc - et la photo que tu nous donne de BTM. Ne mélangeons pas une représentation du Far West fantasmé (l'attraction) et une représentation de cette attraction (la photo, une image).
La sculpture et la peinture sont deux arts différents, qui utilisent des supports différents (le travail sur la représentation de la lumière est propre à la peinture).


T-scan a dit:
Ca ne m'a absolument pas marqué autant que toi ! Du coup je ne comprends pas trop ton point de vue là-dessus... ^^'

Zut, ça ne me facilite pas la tâche :-P

Ezekiel138 a dit:
:mdr:
D'où viennent tous ces éléments sur El Toro ? C'est une interprétation personnelle, ou bien Stengel lui-même qui a réellement conçu le parcours comme ça ? Si c'est le cas, il est vrai qu'on pourrait appeler ça une oeuvre d'art... et il est dommage que ça ne soit pas plus connu. Malheureusement je ne connais pas El Toro pour pouvoir en parler.

Stengel ne s'est jamais manifesté sur ce sujet (mais ne l'a jamais démenti non plus :ange:), c'est donc une interprétation personnelle. Mais encore une fois, l'interprétation appartient au public, pas à l'artiste (qui - au mieux - créé une note d'intention, laquelle peut très bien être ignorée par le récepteur) ! Ça ne veut pas dire que cette interprétation devrait être acceptée par tout le monde, évidemment... je n'ai pas cette prétention. Ce que je voulais montrer en vous faisant part de ma perception de ce grand-huit, c'est que l'expérience seule d'une montagne russe peut faire sens, et exprimer réellement quelque chose par son parcours, indépendamment de sa thématisation et indépendamment de sa joliesse extérieure. Le seul travail sur les forces exercées et sur les déplacements effectués dans l'espace peut faire sens.

C'est pour ça que lorsque tu affirmes cela :

Ezekiel138 a dit:
En particulier sur les deux premières, on remarque que ce qui donne la dimension artistique du coaster, c'est justement ce qui sort du cadre. Sur la première, la structure voutée qui soutient le batwing (?) et les deux pointes de part et d'autre sont absolument magnifiques, et apportent tout son cachet à l'élément. Enlève ça, et il n'a plus grand intérêt. Je dirais même plus : à l'inverse, enlève seulement les rails, et l'intérêt est toujours là !

Idem pour Cheetah Hunt, enlève la structure jaune qui évoque des arbres, remplace-la par des poteaux à la B&M et ça perd quasiment tout son intérêt. J'irai même plus loin, pour la partie du layout en hauteur, qui rappelle un prédateur cherchant une proie. Si tu n'avais pas le nom du coaster, les supports figurant des arbres, les couleurs, on se demanderait même qui est l'abruti qui a pondu des virages comme ça sans intérêt. Ca m'étonnerait qu'avec le seul layout, sans les couleurs, sans les supports, sans le nom du coaster, que quiconque penserait que c'est une bonne idée, et que c'est intéressant.
C'est donc exactement ce que je disais plus haut : c'est l'ajout de "fioritures", de choses extérieures à l'essence même d'une montagne russe, qui peuvent lui donner une expression artistique, voir le statut d'oeuvre d'art.

je ne suis pas tout à fait d'accord. Il y a bien à mon sens quelque chose qui fait sens et qui témoigne d'une réelle esthétique à l'intérieur d'un grand-huit.

C'est pour ça que l'exemple de Cheetah Hunt donné par Chat est très pertinent, même si le terme "retranscrire" est à mon avis pas forcément le bon. Il y a une volonté autre que l'imitation ici, dans la mesure ou un guépard ne serais jamais en mesure de faire de tels bons... Il y a je pense une volonté d'appropriation de l'agilité du guépard pour en retranscrire l'euphorie à l'aide d'un média bien particulier. Ce n'est pas une imitation, puisqu'on ne prend pas tout du guépard, mais seulement quelques éléments que l'on interprète.
On en vient là aux objectifs de l'art selon Proust : échapper aux ravages de l'oubli en faisant accéder à l'essence des choses, c'est à dire extirper de la réalité ce qui provoque l'émotion.

Et pour le coup, autant El Toro on ne connait pas la démarche de Stengel (mais je suis persuadé qu'un connaisseur comme lui a pensé à ce qu'il faisait en faisant cette synthèse des deux grands "types" de wooden qui ont existé auparavant), autant Cheetah Hunt c'est clairement assumé !


Ezekiel138 a dit:
Concernant la troisième photo, là c'est plus délicat et c'est un bon exemple de ce que tu voulais dire, pour le coup. Pas de théma, pas d'architecture, pas de couleurs extravagantes, pas de nom de coaster évocateur, ça n'évoque rien de concret, il n'y a pas de message évident, c'est juste... beau. :love:

Si, ça évoque une clé de sol ! :mrgreen: bon je ne saurais pas dire si c'est juste une interprétation des coasterfans ou si le constructeur a réellement manifesté cette intention... si quelqu'un (King ? une idée ? :ange:) a la réponse, je suis preneur !


Ezekiel138 a dit:
En fait, la très grande majorité en ont une. Seulement, ce n'est pas forcément une intention dans le même sens qu'une oeuvre d'art. C'est juste une intention d'offrir un parcours doux, ou aérien d'abord, puis féroce ensuite. Ou bien de proposer une expérience particulière, que ce soit par des éléments uniques, ou bien des décors particuliers. Mais à mon sens, ces intentions ne sont a priori pas celle de créer une oeuvre d'art. Ca sera plutôt satisfaire un type de clientèle, compléter l'offre d'un parc, avoir une exclusivité, proposer quelque chose d'amusant, quelque chose qui fait peur...

Si on doit lister les coasters dont l'intention est manifestement d'être considéré comme une oeuvre d'art, alors il n'y aura dans cette liste que ceux dont les concepteurs ont une démarche comme celle d'El Toro, décrite précédemment par Toto. (paye ta crédibilité ^^) ...pour peu que ce soit vraiment les propos du concepteur. Parce que l'intention aurait aussi pu être :"Hé, venez, on fait un GROS coaster en bois, ça va en jeter.  8-) Mais bon, comme il va être très haut au début, on aura plus trop de sous pour la fin, donc on va la faire au ras du sol, ça coûtera moins cher.  :secret:"

Le problème que j'ai avec cette idée (tu me dis si j'ai mal compris "pour considérer un objet comme artistique, il faut que son producteur le considère comme tel auparavant"), c'est que la définition de l'art est en elle-même très difficile et de ce fait très différente d'une personne à l'autre. Je pense que les frères Russo considèrent Endgame comme une œuvre d'art, je ne partage pas cet avis, probablement car nos critères ne sont pas les mêmes. Ça peut sembler un peu présomptueux de ma part, mais c'est - en toute subjectivité - simplement car je n'ai pas envie de mettre sur le même plan les films qui m'ont bouleversé et ceux qui m'ont diverti (ou ennuyé, comme c'est le cas pour ce dernier).
S'il est possible pour un public de "rétrograder" une création, l'inverse serait impossible ?
 
Toto662 a dit:
"pour considérer un objet comme artistique une oeuvre d'art, il faut que son producteur le considère comme tel auparavant"

Corrigé. :D Oui, c'est à peu près ma vision des choses, et c'est pour moi une condition nécessaire pour que j'appelle quelque chose une "oeuvre d'art". C'est pour ça que je sépare bien la "dimension artistique". Ca permet d'arrondir un peu les angles et de ne pas considérer que seuls les oeuvres d'art sont artistiques.

Fran a dit:
On ne peut ensuite pas différencier l'art de l'oeuvre.

Toute expression de l'art est une oeuvre intrinsèquement.

C'est marrant, ton point de vue sur la question est complètement à l'opposé du mien, je crois.  :-D

J'ai le sentiment qu'il faut distinguer les deux, et donner un statut particulier à une oeuvre d'art, notamment parce que l'interprétation qu'on en fera sera différente en fonction de la façon dont ce sera qualifié.

A propos des trains par exemple, un train unique (celui du génial boomerang de Tripsdrill par exemple) pourrait être considérée comme une oeuvre d'art, au même titre qu'une sculpture exposée dans un musée d'art moderne. En simplifiant un peu, les deux sont le fruit d'une vue de l'esprit d'un auteur, qui a créé ces formes de manière unique et personnalisée. La différence de jugement qu'on leur porte vient du fait que l'une a pour vocation d'être "juste" un train, et l'autre a pour vocation d'être exposé comme une oeuvre d'art, impliquant donc pour le spectateur un sens, une raison d'être a priori plus profonde.

Je suis convaincu qu'on pourrait intervertir l'avant d'un train (Iron Gwazi ? :rire: ) contre une sculpture d'un musée contemporain du même style. Le public continuerait de s'ébahir au musée devant la profondeur viscérale de l'oeuvre, mais de simplement considérer que le train est joli.