Scenarisé n'est en effet pas le mot qui convient. Mais comme cela vient d'être dit, la particularité de la réal-tv est de s'adapter au fur et à mesure, à montrer tel ou tel aspect à tel moment, à chercher, trouver et choisir des gens suffisamment cons (ou trouvant intérêt à faire mine de l'être) pour qu'ils fassent les choses qu'on veut sans trop même avoir à leur demander formellement.
De plus, c'est un genre qui, dans chaque pays, après un début explosif, s'est petit à petit auto-alimenté et qui a tendance aujourd'hui à se cannibaliser.
Dans tous les cas, la réal-tv est l'expression la plus basique du rôle qu'une société comme la notre a peu à peu donné à l'outil télévision.
Au départ c'était une idée sympathique (The real world, sur MTV dans les années 90 si les plus anciens se rappellent, montraient le quotidien de jeunes en collocations dans différentes villes anglo-saxonnes). Mais l'idée fondatrice est quand même d'en faire un jeu avec auto-élimination et vote du public, et ça a donné le concept Big Brother (Loft Story en France).
Ce qui est aussi intéressant de constater, c'est la porosité des genres en télé.
On remarque depuis une décennie la propagation des codes de la réal-tv dans les autres genres télévisuels.
Ca a commencé par les jeux traditionnels qui ont rajouté certains ingrédients (l'autoélimination dans Le Maillon faible), et ça a aussi fait renaître les variétés en Europe, moribondes avant l'explosion de Star Academy. Elle a accessoirement sauvé tout un pan de la presse écrite, à savoir les tabloïds et la presse people, à tel points que leurs fonctionnements sont aujourd'hui imbriqués et interdépendants.
En parrallèle, la real-tv a permis aux principales chaines alors en perdition sur leur développement internet de rassembler un public sur plusieurs écrans, et habitué les spectateurs à consulter leurs sites pour plus de contenu tout en incitant les internautes à retourner un peu vers le vieux cathodique.
On remarque aussi une propagation du ton et des codes real-tv même jusque dans les émissions de reportage ou d'information, ou l'écriture démarre toujours avec un cas particulier, par exemple un reportage de Capital commence systématiquement par un utilisateur du service décrit par la suite.
En gros la real-tv a contribué à une évolution du spectateur qu'on pourrait plus approcher d'une régression, en le confortant dans une supériorité entretenue par rapport à ceux qu'ils voient, on lui chauffe son siège pour le garder, et c'est très efficace. Maintenant les gens adorent regarder les émissions ou ils peuvent se moquer de ceux qui y passent.
On pourrait noter grâce à l'échec de Carré Viiip que le concept "Freak show" a ses limites, en tout cas en France.
Mais cet échec était plus un mauvaix choix de diffuseur et d'horaires que sur le concept en lui-même.
Les real-tv bas de gamme et accessoirement low-coast s'adaptent très bien sur les chaines de la TNT, ça correspond à leur budget et à leurs cibles.
Bref, toutes ces divagations me confirment qu'il serait temps que soit intégré à l'enseignement une histoire des médias au même titre qu'une histoire des arts.
Les jeunes spectateurs doivent connaître l'histoire de l'outil télévision pour en saisir le rôle capital qu'elle a pris dans la société, ses relations tumultueuses avec des pouvoirs (aussi bien politiques qu'économiqes) qui ont en tout temps essayer de façons plus ou moins subtiles de la contrôler.
Les spectateurs devraient être en capacité à chaque instant de comprendre qui leur montre quoi, et surtout pourquoi.